Le temps de la grossesse

Le temps de la grossesse, le temps du 2 en 1

Le temps de gestation est une crise maturative. Il s’agit d’entreprendre l’intégration d’un nouvel être dans son monde intérieur, dans son monde intersubjectif, et dans son identité sociale.
Devenir mère exige un nouvel aménagement des liens avec sa propre mère, autour de liens s’appuyant sur l’identification et la réconciliation. Sur le plan social, le parent n’est plus l’enfant, et les parents deviennent grands parents.

Il est nécessaire d’avoir une référence et un appui maternel pour enfanter. Donner naissance, c’est symboliquement priver sa propre mère de la fécondité, la repousser d’une génération,vers la mort, c’est un acte agressif. La mère réelle protège la femme des angoisses paranoïdes qui peuvent l’envahir.
C’est le temps du rapprochement, le temps des permutations de places.

Sur le plan imaginaire, le parent récent concourt avec son propre parent qu’il souhaite remplacer et en éprouve de la culpabilité et de l’angoisse.
Sur le plan symbolique, le parent récent bénéficie de l’ombre du parent auquel il s’est identifié de façon prédominante.
Winnicott (1960) parle de « préoccupation maternelle primaire », sorte de maladie normale, repli et hypersensibilité à l’enfant. La mère se consacre entièrement à son bébé elle n’a pas d’autres préoccupations que ses besoins. Elle s’identifie à l’enfant, et s’adapte au mieux a ses besoins. La période de préoccupation maternelle primaire entoure la période de l’accouchement et guérit spontanément grâce à l’évolution de l’enfant, si la mère est en bonne santé psychiquement.
La grossesse est aujourd’hui un état valorisé individuellement et socialement. C’est une étape importante pour la femme dans son développement psycho-affectif. De plus, aujourd’hui, avec la contraception efficace, le désir d’enfant est un vrai projet de couple.

Le premier trimestre : le temps de l’intériorité

Au premier trimestre il y a apparition des premiers signes physiques qui révèlent à la femme l’existence de sa grossesse, mais en général elle n’y croit vraiment qu’après avoir eu confirmation du médecin. Ce temps provoque parfois chez la femme une certaine régression.

Elle se voit petite-fille, elle rêve beaucoup de son enfance (souvenirs et émotions), retrouve des envies, déteste des odeurs qui appartiennent à cet autre temps.

La femme peut aborder sa grossesse: soit comme un événement heureux, valorisant, soit avec l’angoisse due à la déformation corporelle, à la fatigue.
L’ambivalence des sentiments de refus et d’acceptation pourront entraîner des vomissements, des malaises, des dégoûts…de l’instabilité. Les modifications hormonales toucheront l’humeur, la sexualité… La femme s’installe dans son nouveau statut parfois avec difficultés.

Le deuxième trimestre: la lune de miel

Les transformations physiques de la mère deviennent visibles. Elle perçoit les premiers mouvements foetaux ce qui lui permet d’objectiver l’enfant comme étant une partie différente d’elle même. Il se distingue de la mère. C’est une période souvent sereine. La femme se suffit à elle-même, son corps s’épanouit. Elle ressent une grande sensibilité au monde extérieur. La femme retrouve son dynamisme et éprouve beaucoup de bonheur à fabriquer son fœtus. La dynamique relationnelle peut alors débuter. L’idée d’être bientôt mère est alors introduite, ce qui ajoute à la femme un rôle nouveau : elle est femme, épouse, vient s’y rajouter le rôle de mère.

La grossesse n’est pas toujours un état aussi heureux que l’on se plait à valoriser dans nos magasines féminins.

Certaines femmes ressentiront de l’angoisse d’être déformée, de la fatigue, de l’angoisse à l’idée de porter un être vivant, étranger à elles et vécu parfois comme un parasite.Souvent, ces femmes n’osent pas en parler. Les consultations avec un psychologue peuvent être une aide, pas forcément pour s’épanouir mais tout simplement pour moins culpabiliser et moins stresser durant cette période d’attente.

Le troisième trimestre: le temps de l’impatience

Au troisième trimestre, c’est le retour des petits désagréments. Et de l’impatience ! Mais quand va-t-il enfin arriver, ce bébé ?!! Le trimestre “lourd”. Ventre pesant, jambes lourdes, fatigue de compétition et démarche de pachyderme. On a hâte de voir la tête de ce bébé. Les parents commencent à confronter l’enfant imaginaire à l’enfant réel. L’enfant naîtra réel, autonome et différent. Les angoisses se cristallisent sur des points particuliers comme la peur d’accoucher, la peur de la douleur, la peur de mettre au monde un enfant anormal. C’est cette impatience qui va aider à surmonter les angoisses et les peurs.

Psychologie de la femme enceinte

Cette période est une vraie fenêtre ouverte sur l’inconscient, véritable aubaine pour les psychologues. C’est une période féconde pour travailler et mettre du sens sur des évènements anciens de l’histoire de ces futures mères.

En effet, la grossesse est une période faite de « transparence psychique  où des fragments de l’inconscient viennent à la conscience» (Bydlowski). Cet état partiel de régression, reviviscence d’affects infantiles et de mécanismes de défenses archaïques, ne signifient pas une régression au sens d’une déficience, mais une plus grande sensibilité, forme d’organisation inconsciente accompagnante l’état de devenir mère, ne se substituant pas au fonctionnement psychique ordinaire.

Les conflits antérieurs ainsi que certains fantasmes régressifs oubliés affluent à la mémoire sans être freinés par la censure habituellement assurée par le refoulement. Les remémorations viendraient alors témoigner des attentes dont l’enfant fait objet (combler un manque, faire différemment de ses parents, faire comme ses parents, donner autre vie que celle qu’on a eu… ). En parallèle, beaucoup de questionnements abondent dans l’esprit de la future mère : serais-je une bonne mère ?serais-je capable de m’occuper de cet enfant ? Est-il réellement désiré ? Suis-je prête ? Que va devenir mon couple ?

La future mère élabore un travail psychique afin d’accueillir son bébé. La durée de la grossesse lui permet de réaliser ce travail, l’attente de l’enfant joue un rôle d’organisateur psychique.

Pour une femme, toute grossesse comporte au moins la satisfaction deux désirs inconscients en proportion variable. :

-désir de grossesse: celui d’être enceinte, pleine, habitée et qui répond à toutes les pertes, comblements narcissiques…..

-désir d’enfant: celui de mettre au monde un enfant-sujet, un autre, dans un projet de relation d’objet libidinal satisfaisant tous les désirs.

La crise du temps de la grossesse va donc remettre en chantier les bases de l’identité et a travers les conflits et les tensions faire émerger une nouvelle identité. C’est souvent l’arrivée du premier enfant qui va entraîner le plus grand bouleversement.

La grossesse psychique : l’aube des liens

En consultation gratuite, depuis le site YAPAKA.be

Auteur:
Après une longue expérience comme sage femme, Geneviève Bruwier travaille actuellement en tant que psychologue clinicienne dans une Unité Parents-Bébé au CHU Tivoli en Belgique. Elle est également psychothérapeute d’adultes.